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“Boule quies, les airpods de survie”

Boule Quies Airpods

Le bruit de la rentrée vous fatigue déjà, Jérémie Peltier a la solution pour vous : portez des boules quies, lisez Raymond Queneau et repensez à vos belles randonnées estivales. Savoureux !

CVT Zazie Dans Le Metro 9536

Alors, vous êtes prêts pour la reprise ? Vous avez bien posté votre petite photo Instagram pour nous donner votre état d’esprit ? « Paré pour la rentrée ! » ; « C’est reparti avec plein de nouveaux projets ! » ; « De retour après avoir déconnecté ! News à venir les amis ! ».

Ahhhhhhhhhhh mais la paix !!!!!

Pourquoi c’est comme cela chaque année ? A chaque reprise, c’est la même chose. Et quand ce n’est pas sur les écrans, c’est en face à face, à peine passé le seuil du bureau :

« Alors, ça va ? T’as bien coupé ? » ; « Oulala il va falloir se remettre dans le rythme ! » ; « On était quand même mieux en vacances ». Sans blague ?

Et ça jacte et ça jacte de nouveau, nous qui avions fui tout cela durant les quelques semaines de repos « bien méritées » (car certains ont du repos mal mérité, c’est connu comme le loup blanc, loup blanc que personne n’a jamais vu par ailleurs, mais passons sur ce détail qui nous éloigne de l’essentiel).

En effet, nous avions fui les bruits, la fureur, les sons insupportables. Et nous voilà de retour au milieu du bavardage qui ne nous avait guère manqué. « Tu causes, tu causes, c’est tout ce que tu sais faire », a-t-on envie de répéter à tout le monde, pour les rappeler à l’ordre quand ils commencent déjà à nous gonfler, comme le fait le perroquet Laverdure dans Zazie dans le métro [1].

“Tu parles trop”

Nous n’entendions plus les bavardages pendant nos vacances, les petits bruits pénibles. Les mecs qui s’amusent à dire « C’est pas Versailles ici » dès que vous allumez une lumière. Dès le retour dans le TGV, vous avez senti que le monde du bruit réapparaissait tout à coup. Vous avez dû vous coltiner comme d’habitude les derniers cons qui n’ont pas compris qu’ils pouvaient acheter des écouteurs à leurs gosses pour éviter de nous gonfler la tête avec le bruit de leurs consoles. Vous avez de nouveau supporté la dame qui parle dix minutes dans les haut-parleurs du train pour vous expliquer que ce Jacques Dillies FYT3ljx3HyQ Unsplashtrain est non-fumeur (sans blague ?) mais qu’il compte un barista nommé José qui sera enchanté de vous proposer boissons chaudes et boissons froides.

Nous revoilà de retour dans la civilisation du bruit. Nous n’étions plus habitués. Car la mode cette année pour les vacances, c’était la randonnée mes chéris. Et en rando, on est au calme ! On ne parle pas ! C’est pas comme à la plage. En rando, on n’entend la musique des enceintes Bluetooth des Digital Bronzeurs. On n’est pas réveillé ou perturbé par des connards qui jouent avec des raquettes de tennis en braillant comme s’ils étaient à Roland-Garros. En rando, munis de nos chaussures Quechua et de notre Gourde « Nature et découverte », on ne parle pas. Tout au plus on compte nos pas sur notre iPhone en fermant notre gueule car on veut apprécier le paysage avec le secret espoir de voir passer une biche ou un renard.

Enfin, pardon, j’exagère. On parle à un moment, quand on croise des gens. Et le mot qu’on utilise le plus, c’est « bonjour ». Vous n’avez jamais remarqué ? En rando, tout le monde dit « Bonjour ». La personne croisée, évidemment, vous est totalement inconnue. Vous la croiseriez dans la rue, elle n’aurait pas droit à un bonjour. Mais là, comme on est en rando, un peu comme des Bikers qui se font un petit signe quand ils se croisent sur la route, on se dit bonjour. Bonjour par-ci, bonjour par-là ! Comme c’est mignon de se prendre pour Belle !

-Dis donc, tonton, demande Zazie, quand tu déconnes comme ça, tu le fais esprès ou c’est sans le vouloir ?

-C’est pour te faire rire, mon enfant, répond Gabriel.

-T’en fais pas, dit Charles à Zazie, il le fait pas exeuprès.

-C’est pas malin, dit Zazie.

-La vérité, dit Charles, c’est que tantôt il le fait exeuprès et tantôt pas.

-La vérité ! s’écrie Gabriel (geste), comme si tu savais cexé. Comme si quelqu’un au monde savait cexé. Tout ça (geste), tout ça c’est du bidon : le Panthéon, les Invalides, la caserne de Reuilly, le tabac du coin, tout. Oui, du bidon.

Voilà, finis les sentiers de terre et les zones protégées. Terminés les petits bruits des oiseaux. Le sac de chez Décathlon est rangé.

Alors nous voilà de retour. Et pour supporter la reprise, je vous propose un outil de survie : des boules-quies, qu’on pourrait qualifier de « airpods du pauvre » en raison de leur esthétique douteuse, mais qui seront très utiles pour vous replonger dans le calme des randos.

Assumons de porter des boules quies dans l’espace public. On se sentira un peu plus con, mais on se sentira un peu plus seuls.

Pour vivre heureux, vivons bouchés ! Et bonne rentrée !

[1] Raymond Queneau, Zazie dans le métro, Gallimard, 1959

Toutes les chroniques d’arrêt d’urgence de Jérémie Peltier sont là.

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