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Errons ensemble

Troy Williams CX4TlF3l U8 Unsplash

C’est l’histoire d’une errance. De ces errances qui donnent toujours l’impression qu’elles vont mener quelque part. Parce que le chemin découvert petit à petit semble dire qu’il va déboucher sur quelque chose. Une ouverture, une inspiration, un possible, un point de vue différent. Cette sensation d’errance nous étreint tous et toutes. Plus ou moins fortement selon les périodes de nos vies. Elle nous permet de créer, mais elle nous emmène aussi dans des chemins escarpés ou pis des cul-de-sac.
L’errance a ceci d’exquis qu’elle peut être jouissive. Problème : son verso est une forme de mélancolie. De cette sensation qui semble nous dire que l’on a frôlé quelque chose, sans jamais vraiment parvenir à le saisir réellement. Cela vaut pour une idée, une création, une histoire d’amour, bref, les choses de la vie. Le chemin est dans la montagne dit le philosophe… Parfois les balises manquent.

Cette errance vaut aussi pour les éditorialistes du dimanche. Ernestiens, Ernestiennes, l’auteur de ces lignes a vécu cette semaine plusieurs errances vers des idées. Chaque fois il a cru qu’un possible s’ouvrait. Ce furent plutôt des chemins de traverse pour ne pas dire des voies sans issues. Je vous vois dans vos lits. Vous vous réveillez doucement et vous vous dites : “suis-je vraiment en train de bien comprendre : le gars nous fait le coup de la panne ?”. Parlons plutôt d’une demi panne. Car dans l’errance, on a pris quelques notes. Nous vous les livrons car peut-être qu’elles vous donneront des directions que nous n’avons pas pu ou su voir.

Saviez-vous, les amis, que c’est le 30 mai 1943 que dans un hôtel de la banlieue de Londres, l’écrivain Joseph Kessel, son neveu Maurice Druon, la musicienne russe Anna Marly et quelques amis ont écrit les paroles du “Chant des partisans”. Les paroles sont connues. Relisons deux vers : “Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne”; “Chantez, compagnons, dans la nuit la liberté nous écoute”. Dans l’errance, ce que cet événement nous a inspiré est qu’il ne faudrait pas avoir à réécrire ce chant quand nous aurons laissé la démocratie sombrer sous peine de fatigue de ses citoyens. J’entends les sarcasmes. Non, je n’ai pas honte d’écrire cela. Devoir écrire des chants dans la clandestinité peut nous arriver l’an prochain. Prenons garde à notre fatigue démocratique…

Sérendipité quand tu nous tiens. Cette histoire du chant des partisans nous a mené d’errance en errance à la personne de Germaine Tillion. Résistante, déportée à Ravensbruck, Tillion y a écrit une opérette. “Le Verfügbar aux Enfers”, c’est son titre. Toutes les femmes du camp y participèrent et Tillion termina l’écriture cachée dans une caisse. Elle y raconte avec un humour féroce les conditions de détention dans le camp de concentration. L’humour comme planche de salut. L’humour qui sauve. Dimanche dernier, et de nombreuses fois il en fut question dans ces éditos. Forcément cet escale dans l’errance nous parla. Tillion écrivit d’ailleurs un jour quelques mots d’une lucidité qui résonne avec des imbécilités entendues ici ou là.

“L’humanité se compose de deux minuscules minorités : celle des brutes féroces, des traîtres, des sadiques  systématiques  d’une  part, et de l’autre celle des hommes de grand courage et de grand désintéressement qui mettent leur  pouvoir,  s’ils en ont, au service du bien. Entre ces deux extrêmes, l’immense majorité d’entre nous est composée de gens ordinaires, inoffensifs en temps de paix et de  prospérité, se révélant dangereux à la moindre crise.”

A Ravensbruck, Tillion a perdu sa mère. Certainement que l’écriture de cet opérette a même débuté après cette disparition. Pour exorciser. Pour se souvenir. C’est la dernière escale de notre errance. Aujourd’hui, nous fêtons les mamans. Nos si chères mamans. A celles qui sont encore là, à celles qui ne sont plus, à celles qui le deviendront nous avons envie de dire à quel point elles sont des phares dans l’errance. Des chemins sûrs, balisés et d’une grande sérénité. Des chemins qui nous permettent de partir en errance avec confiance.

Bon dimanche,

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